Le chiffre frappe : plus de 300 milliards de mots ont alimenté le cerveau de ChatGPT, souvent à l’insu de leurs auteurs. Derrière la magie de la génération de texte se cache un gigantesque puzzle composé de fragments de contenus publics, parfois privés, rarement signalés. L’origine de ces données n’est pas un détail technique, c’est le socle même de la confiance que les internautes, et les entreprises, peuvent accorder à l’outil.
Impossible d’ignorer les failles : ChatGPT peut générer des erreurs, ou inventer des faits avec un aplomb désarmant. L’absence totale de références précises pour chaque réponse laisse l’utilisateur dans le flou, incapable de vérifier la véracité de ce qui lui est présenté. Cette opacité pèse lourd sur la question de la fiabilité et soulève des doutes légitimes sur la façon dont l’intelligence artificielle façonne ses réponses.
Pourquoi l’origine des données de ChatGPT fait toute la différence
Comprendre comment le modèle de langage d’OpenAI a été nourri, ce n’est pas un débat réservé aux spécialistes. C’est la condition pour saisir la portée, ou les limites, des réponses que ChatGPT délivre. Chaque source, chaque corpus, chaque choix d’exclusion ou d’inclusion façonne l’angle de vue du modèle. Articles, pages web, extraits de Wikipedia, discussions sur des forums publics : tout ce matériau brut imprègne la mémoire artificielle de l’outil, orientant sa manière de restituer le monde.
Le champ des textes sélectionnés ne se construit pas au hasard. Officiellement, les données privées, les documents confidentiels et les contenus sous droits d’auteur très restrictifs ne sont pas intégrés au modèle. Ce sont donc les ressources publiques, abondantes et variées, qui dominent. Elles proviennent du web, de bases ouvertes comme Common Crawl, de Wikipedia, mais aussi d’autres archives accessibles à tous. Ce choix initial a un impact direct sur la diversité des connaissances et sur la pluralité des opinions qui émergent dans les réponses.
Mais ce filtrage, réalisé en amont et sans transparence totale, laisse des zones d’ombre. Certaines perspectives minoritaires, ou tout simplement non indexées, n’atteignent jamais ChatGPT. L’utilisateur, lui, se retrouve dans une position de dépendance : il doit faire confiance à l’outil non pour la qualité démontrée de chaque réponse, mais pour l’intégrité supposée des données qui l’alimentent.
La relation étroite avec Microsoft, qui fournit l’infrastructure Azure, ajoute une couche supplémentaire à la question. C’est tout un écosystème technologique qui sculpte l’intelligence de ChatGPT : puissance de calcul, gestion des flux, choix des corpus, filtres éditoriaux… Autant de décisions prises loin des yeux du public, qui dessinent les contours, mais aussi les angles morts, de ce vaste paysage informationnel.
D’où viennent vraiment les informations utilisées par ce modèle ?
Pour comprendre la mécanique, il faut regarder du côté des sources concrètes. OpenAI a puisé dans de gigantesques bases de textes issus du web, à commencer par Common Crawl : une archive colossale, qui recense chaque mois des milliards de pages. À cela s’ajoute Wikipedia, trésor collaboratif et multilingue, reconnu pour la structure de ses articles et la fraîcheur de ses mises à jour. Les forums publics et les articles en libre accès viennent compléter ce patchwork, offrant une variété de points de vue et de registres.
Ce n’est pas un hasard si ces corpus ont été retenus. Leur diversité alimente la capacité du modèle à générer des réponses nuancées, mais chaque choix de source, chaque exclusion, influe sur la tonalité finale. Les données soumises à des droits stricts ou issues de sphères privées n’ont, en principe, pas leur place dans ce processus. Quant au partenariat avec Microsoft Azure, il ne fournit pas de nouveaux jeux de données, mais garantit la robustesse de l’infrastructure et la rapidité d’entraînement du modèle.
Voici les principales sources qui constituent la colonne vertébrale de ChatGPT :
- Common Crawl : des milliards de pages web publiques, régulièrement actualisées
- Wikipedia : encyclopédie collaborative, ouverte et multilingue
- Forums et articles libres d’accès, pour une diversité de voix et d’analyses
À noter : la quantité de texte prise en compte lors d’une interaction dépend de la « fenêtre de contexte » du modèle, qui varie selon les versions (GPT-3.5, GPT-4, GPT-turbo, etc.). Les réponses de ChatGPT sont donc le produit de ce vaste corpus, agencé différemment à chaque sollicitation.
Hallucinations, biais et fausses certitudes : ce que ChatGPT ne vous dit pas
La prouesse technique impressionne, mais elle masque une mécanique plus trouble. ChatGPT, comme tous les modèles génératifs, ne fait que recombiner les fragments de textes rencontrés dans ses données. Ce qui ressemble à une réponse solide n’est bien souvent qu’une construction statistique, l’illusion de l’exactitude.
Le danger ? Des affirmations inventées, des amalgames, voire des erreurs qui passent inaperçues. Nulles sources citées, aucune hiérarchie de crédibilité : quand ChatGPT tranche, impossible pour l’utilisateur de savoir si l’information provient d’un article reconnu ou d’un forum obscur. Ce manque de transparence est un terrain fertile pour les biais. Les représentations stéréotypées, les imprécisions, les angles morts historiques ou sociaux se glissent dans la conversation, sans la moindre alerte.
Voici les principaux risques à garder en tête :
- De fausses informations ou hallucinations qui se fondent dans le discours
- Des biais hérités du choix des corpus et de leur sélection
- Une fiabilité aléatoire selon les sujets et la fraîcheur des données
La fiabilité des réponses s’avère donc très variable, quelle que soit la version du modèle ou la concurrence (Claude, MistralAI, DeepSeek…). Derrière la fluidité, la vigilance reste de mise. Face à chaque affirmation, il faut savoir questionner, recouper, douter. L’enjeu est d’autant plus grand que ces technologies s’invitent désormais dans la recherche, l’éducation, et même les choix politiques.
Confidentialité et sécurité : à quoi faut-il faire attention quand on utilise ChatGPT ?
L’utilisation de ChatGPT soulève de vraies questions sur la confidentialité et la gestion des données échangées. Chaque message envoyé transite par les serveurs d’OpenAI, hébergés notamment chez Microsoft Azure. Cela signifie que toute information personnelle, professionnelle, ou sensible entre dans un circuit qui, même sécurisé, n’offre aucune garantie d’anonymat total. Les textes générés peuvent être stockés, analysés, voire utilisés pour l’amélioration des modèles, selon les politiques d’OpenAI.
En Europe, le RGPD encadre strictement l’utilisation des données, mais un coup d’œil attentif aux conditions générales d’OpenAI s’impose. L’entreprise peut, en toute légalité, exploiter certains contenus, même s’ils sont destinés à l’entraînement ou à la recherche. Toute saisie d’informations confidentielles, de coordonnées, ou de contenus protégés par le droit d’auteur, expose l’utilisateur à des risques de réutilisation ou, plus rarement, de fuite accidentelle malgré les dispositifs de sécurité mis en place.
Quelques points de vigilance s’imposent :
- La protection des données personnelles reste incertaine, malgré les engagements annoncés
- Le principe de fair use s’applique, mais les contours du droit d’auteur évoluent sans cesse
- La prudence s’impose : il vaut mieux éviter de partager toute information confidentielle ou stratégique via ChatGPT
Ces enjeux dépassent la sphère individuelle. Les entreprises, les administrations, doivent évaluer la compatibilité de ChatGPT avec leurs propres exigences réglementaires. Chaque utilisation pose une nouvelle question sur la traçabilité, la sécurité et la gestion des informations transmises.
Face à la puissance du dialogue automatisé, l’utilisateur averti garde le sens critique en éveil. Les coulisses de ChatGPT, encore largement fermées, rappellent que la transparence reste à conquérir. À chacun, désormais, d’éclairer d’un doute salutaire la lumière projetée par l’intelligence artificielle.


